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  • Les spiritueux

Les accords mets et whiskies

Martine Nouet, auteure et journaliste spécialisée dans la cuisine et les spiritueux, aujourd’hui installée dans l’île d’Islay, manie avec brio l’art de mettre délicatement en harmonie l’esprit du plat et l’esprit du malt. Celle qui est devenu en avril 2012 la première Française Master of the Quaich fait bénéficier aux lecteurs du Nez du Whisky de son savoir-faire et de son expérience. Elle conseille notamment de parfumer un plat d’une épice (cardamome, clou de girofle par exemple), une herbe (anis vert, basilic), un fruit sec ou oléagineux (pruneau, abricot sec, noisette) afin que leur saveur dans le plat résonnera comme un écho lors de la dégustation du whisky. De l’entrée au dessert en passant par le fromage, elle nous suggère quelques « accords parfaits » dont voici quelques exemples :

Entrée autour de l’arôme de noisette

Crumble de fenouil aux coques (coques cuites dans un peu de beurre et persil, fenouil braisé, le tout recouvert de crumble – farine, beurre, flocons d’avoine, noisettes grillées). Pour accompagner un single malt vieilli en fûts de bourbon, avec des notes de noisettes ou un single malt marin moyennement tourbé.

Au cours de la torréfaction des noisettes, de nombreuses molécules odorantes, essentiellement des hétérocycles se mêlent à l’huile de la noisette, donnant naissance à une note aromatique d’une très grande finesse, à la fois beurrée et caramélisée. Lors de l’élaboration d’un whisky et surtout au cours du vieillissement en fût, des cétones comme le diacétyle à odeur de beurre, des pyrazines et des composés dérivés du furane, caractéristiques des notes de caramel se forment et sont captées par l’alcool éthylique. Tous ces composés nous amènent à évoquer la perception de noisette grillée et de praline.

Plat autour de l’arôme de chocolat noir

Noisettes de cerf, sauce au cacao, gratin de panais (les noisettes de cerf sont poêlées, servies avec une sauce au vin rouge ou au porto et à la poudre de cacao). Pour accompagner un single malt vieilli en fûts de sherry ou affiné dans un fût de porto.

La cabosse, fruit du cacaoyer, contient de nombreuses fèves entourées d’un mucilage. Ces fèves de cacao, une fois récupérées, possèdent une forte amertume et sont sans grande odeur. Pour développer l’arôme de chocolat, elles doivent être torréfiées à une température voisine de 140°C pendant environ 3/4 d’heure. Au cours de ce chauffage, des réactions de Maillard se développent, provoquant la synthèse d’un grand nombre de molécules odorantes captées par la matière grasse de la fève, le beurre de cacao. L’arôme final de cacao est variable selon l’origine des fèves et la conduite de la torréfaction. Les diverses formules de chocolat, noir ou au lait, ne sont que les multiples variations de cet arôme incomparable. L’origine de cette note de chocolat dans un whisky est à chercher du côté de la fabrication des fûts et du vieillissement.

Dessert autour de l’arôme de tourbe

Une salade d’agrumes (orange, pamplemousse, citron vert et jaune, mandarine, kumquat) rehaussée d’un granité au whisky (un single malt tourbé). Pour accompagner un single malt tourbé/iodé. La tourbe se forme par fossilisation de végétaux sous l’action de micro-organismes à raison de quatre à cinq centimètres par siècle. C’est une étape intermédiaire de la formation du charbon. Utilisée pour le séchage du malt vert au cours de l’opération de touraillage, la tourbe transmet au malt par ses fumées de combustion tout un ensemble de molécules odorantes, essentiellement des composés phénoliques. Ces composés extraits par l’alcool généré au cours de l’étape de fermentation, communiquent au whisky un arôme de tourbe caractéristique. La plupart des distilleries d’Islay sont réputées pour leurs whiskies traditionnellement tourbés et de nombreuses distilleries dans toutes les régions d’Écosse produisent aujourd’hui une version tourbée et une version non tourbée de leur single malt.

Voir le livre du Nez du Whisky, pp. 139-141.